En 2024, le marché français du recyclage retrouve des couleurs. Selon FEDEREC, le chiffre d’affaires atteint 11,5 Md€ (+4,3 % vs 2023), renouant avec le pic de 2022. Les volumes collectés progressent à 32,5 Mt (hors inertes et organiques) et 47,7 Mt toutes filières confondues (+1,6 %). Derrière ce rebond, la fédération nuance : l’amélioration du CA ne signifie pas pour autant un redressement net des marges, tant les prix de vente, la demande et les coûts pèsent encore sur les opérateurs.
2024 en bref : rebond du marché intérieur, export en repli
- Marché domestique : +20 %, amortit le choc d’un commerce extérieur en berne.
- Exportations : reculent nettement (–9 % en Europe, –41 % hors UE), avec des effets différenciés selon les matières.
- Objectif d’incorporation : la profession appelle à accélérer en France (environ 30 % d’incorporation aujourd’hui) pour se rapprocher de l’UE (~45 %), face aux projets de restriction d’exportations hors UE qui pourraient reconfigurer les débouchés.
Métaux ferreux : volumes en légère hausse, prix sous pression
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Collecte : 11,23 Mt (+0,84 %).
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Chiffre d’affaires : 2,18 Md€ (–0,6 %).
Le ralentissement de l’automobile et du bâtiment réduits en 2024 pèse sur les gisements et les prix de vente des matières triées. Le marché intérieur soutient l’activité alors que l’export recule fortement.
Métaux non ferreux : volumes vendus en hausse, conjoncture chahutée
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Volumes vendus : +2,7 % (à 1,83 Mt).
Le laiton, l’aluminium et l’inox tirent la collecte, aidés par une meilleure traçabilité des flux issus du bâtiment et des déchèteries. Mais la faiblesse de l’auto et du BTP, et l’instabilité des prix, maintiennent une forte volatilité.
Progressions marquantes de collecte : +83 % (déchets du bâtiment), +57 % (déchèteries), +16 % (VHU).
VHU : performances industrielles, alerte sur la gouvernance
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Collecte : 1,2 million de véhicules.
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Matières triées : 825 000 t d’acier et 62 000 t de non ferreux.
FEDEREC alerte sur la multiplication des systèmes individuels et la reprise préférentielle de certaines matières : risque de désorganisation d’une filière historiquement performante. Une gouvernance mutualisée est attendue d’ici 2026 (contrôles, audits, données). Le réemploi recule, avec des niveaux jugés irréalistes pour certains centres traitant les véhicules anciens.
DEEE : cap sur la qualité, objectifs de recyclage atteints
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Collecte totale : +16 %, à 1,21 Mt
— 969 467 t ménages, 243 422 t pros. -
Taux global de recyclage : 78 %, objectifs atteints (gros équipements, petits appareils, écrans, lampes).
Point clé : l’efficacité des contrats directs avec les entreprises de gestion des déchets, qui renforce traçabilité et reporting. Réemploi : 55 000 t.
Textiles : collecte en hausse, débouchés saturés
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Collecte : +7,9 %, à 289 393 t.
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Chiffre d’affaires : en baisse (montant non précisé).
La capacité de tri française reste insuffisante : 83 000 t sans solution pérenne. Les débouchés saturés et la qualité matière hétérogène contraignent la valorisation.
CSR : potentiel important, demande encore insuffisante
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Production : 555 000 t (+8,9 %).
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Consommation :
— Chaudières : 126 000 t (contre 61 000 t en 2023).
— Cimentiers : 231 000 t (–49 000 t). -
Export : +24 %, à 83 000 t.
La filière produit sur commande et reste très en deçà de ses capacités : 2,5 Mt installées (soit de quoi quadrupler si la demande suit).
Plastiques : dynamique contrastée, importations asiatiques déstabilisantes
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Collectés & recyclés : 1,02 Mt (+1,9 %).
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Ménagers : –10 %, à 312 600 t, malgré l’extension des consignes.
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Industriels : +8 %, à 711 300 t.
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Chiffre d’affaires : 200 M€ (+14 %), porté par les prix du PET recyclé, mais encore loin des 355 M€ de 2022.
2024 : 1er semestre soutenu, puis pression baissière liée aux importations de plastiques recyclés d’Asie. 2025 : demande atone, fermetures d’usines de recyclage en Europe, projets de recyclage chimique gelés.
Verre : recul des tonnages, résistance économique
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Verre creux ménagers : –1,5 %, à 2,28 Mt — un résultat jugé « notable » au regard de la baisse de consommation (inflation, changements d’habitudes).
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Verre plat : –4,7 %, à 245 400 t (repli de la construction).
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Chiffre d’affaires : 160,8 M€ (+1,9 %).
La montée des filières REP PMCB et VHU devrait structurer de nouveaux gisements (verre plat, verre automobile) encore sous-exploités.
Bois : recomposition accélérée par les nouvelles REP
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Collecte : 7,72 Mt (+4,7 %).
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Chiffre d’affaires : 312 M€ (+4 %).
Changement majeur : recul des flux en déchèteries (–22 %) et chez les industriels (–12 %), réorientés vers des bennes bois multifilières REP (1,1 Mt, soit 14 % du gisement).
Palettes : collecte +1 % (101 M d’unités), mais chute de la demande en reconditionné (90,9 M, –5,3 %).
La montée en puissance de la REP PMCB (si elle se confirme) et l’arrivée de la REP emballages professionnels continueront de redessiner la branche.
Papiers-cartons : volumes en baisse, prix portés par l’export
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Collecte : –5,5 %, à 6,11 Mt.
— Papiers graphiques : –15 %, à 1,06 Mt (tendance structurelle).
— Cartons : –3,2 %, à 5,05 Mt. -
Chiffre d’affaires : +34 %, à 739,94 M€ (demande export soutenue).
2025 : demande intérieure soutenue par l’ouverture de nouvelles machines chez VPK et Norske Skog Golbey.
Enjeux 2025 et perspectives 2026
- Accélérer l’incorporation de MPR : sécuriser des débouchés domestiques (contrats, cahiers des charges) pour absorber la matière triée et réduire la dépendance aux exportations.
- Stabiliser les cadres REP : simplifier la gouvernance (ex. VHU 2026), harmoniser les contrôles et éviter les clauses de reprise qui désorganisent les flux.
- Soutenir la demande de CSR et de plastiques recyclés : aligner politiques énergie/industrie/achats publics pour activer les capacités sous-utilisées (CSR) et amortir la concurrence d’imports à bas prix (plastiques recyclés).
Conclusion
2024 signe un redressement incontestable : chiffre d’affaires en hausse, volumes en progression, marché intérieur plus porteur. Mais la trajectoire reste fragile : prix volatils, concurrence des importations, incertitudes à l’export et montée en charge hétérogène des nouvelles REP. L’enjeu 2025/2026 ? Transformer le rebond en socle, en consolidant la demande domestique de matières recyclées, en clarifiant la gouvernance des filières et en actionnant les leviers d’incorporation pour sécuriser durablement l’écosystème du recyclage.