La gestion des véhicules hors d’usage (VHU) représente un enjeu environnemental majeur en France. Avec près de 1,4 million de VHU traités chaque année, la filière fait l’objet d’une réglementation européenne et nationale visant à promouvoir le recyclage et la valorisation de ces déchets. Récemment, la mise en place d’une filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) est venue renforcer ce cadre, offrant de nouvelles perspectives pour une économie circulaire du secteur automobile.
Cadre réglementaire européen et national
Directive Européenne 2000/53/CE sur les VHU
Au niveau européen, la directive 2000/53/CE relative aux VHU a jeté les bases de la gestion de ces déchets. Elle vise à favoriser la conception de véhicules plus facilement recyclables, à réduire l’utilisation de substances dangereuses et à promouvoir l’utilisation de matériaux recyclés. Cette directive fixe également des objectifs ambitieux en termes de réutilisation, de recyclage et de valorisation des VHU traités.
Transposition en droit Français
En France, la directive européenne a été transposée dans le code de l’environnement, avec les articles R. 543-153 et suivants. Ceux-ci définissent les obligations des différents acteurs de la filière, tels que les constructeurs automobiles, les centres de traitement agréés et les broyeurs. Ils prévoient notamment que les détenteurs de VHU doivent les remettre gratuitement à un centre agréé, qui a l’obligation de les reprendre.
Mise en place de la filière REP
Loi Anti-Gaspillage pour une économie circulaire (AGEC)
La loi AGEC, adoptée en 2020, a étendu le champ de la REP aux véhicules, élargissant ainsi le périmètre de la filière VHU. Celle-ci doit désormais couvrir non seulement les voitures particulières et les camionnettes, mais également les véhicules à deux ou trois roues et les quadricycles à moteur.
Décret du 24 novembre 2022
Un décret publié le 1er décembre 2022 a précisé les modalités de mise en œuvre de cette REP pour les véhicules. Il définit notamment les obligations des producteurs en termes de collecte et de traitement des VHU, ainsi que les objectifs à atteindre en matière de réutilisation, de recyclage et de valorisation.
Objectifs de la filière REP VHU
Taux de réutilisation et de recyclage (TRR)
La directive européenne et la réglementation française fixent un taux minimum de réutilisation et de recyclage (TRR) de 85% en masse pour les VHU. Cet objectif vise à maximiser le recyclage des matériaux contenus dans les véhicules, tels que les métaux, les plastiques et le verre.
Taux de réutilisation et de valorisation (TRV)
En complément, un taux minimum de réutilisation et de valorisation (TRV) de 95% en masse des VHU est également requis. Cet objectif inclut non seulement le recyclage, mais également la valorisation énergétique des déchets issus du traitement des véhicules.
Objectifs complémentaires
L’arrêté du 20 novembre 2023 a défini des objectifs plus spécifiques, notamment en termes de collecte (65% en 2024) et de réutilisation des pièces (8,5% en 2024). Ces indicateurs visent à améliorer l’efficacité de la filière et à développer l’économie circulaire dans le secteur automobile.
Organisation de la filière VHU
Acteurs clés
La filière VHU s’articule autour de quatre principaux acteurs : les détenteurs de VHU, les centres de traitement agréés, les broyeurs agréés et les constructeurs automobiles. Chacun joue un rôle essentiel dans la collecte, le traitement et la valorisation des véhicules hors d’usage.
Obligations des centres VHU
Les centres de traitement agréés constituent le point d’entrée unique de la filière. Ils ont l’obligation de reprendre gratuitement les VHU qui leur sont remis, de procéder à leur dépollution et de démanteler certaines pièces avant de transmettre les carcasses aux broyeurs.
Rôle des constructeurs automobiles
Dans le cadre de la REP, les constructeurs automobiles sont responsables de la collecte et du traitement des VHU. Ils doivent notamment assurer la reprise gratuite des véhicules auprès de leurs détenteurs et les orienter vers les centres agréés.
Performances de la filière VHU
Évolution des taux de recyclage et de valorisation
Depuis la mise en place de la réglementation européenne, la filière VHU française a progressivement amélioré ses performances. En 2021, le taux de réutilisation et de recyclage (TRR) atteignait 87,6%, dépassant l’objectif de 85%. Le taux de réutilisation et de valorisation (TRV) s’élevait quant à lui à 95,7%.
Disparités régionales
Bien que les objectifs soient atteints au niveau national, des disparités régionales existent. Certaines régions, comme les Pays de la Loire, affichent de meilleures performances, avec un TRR de 87,3% et un TRV de 94,7% en 2021.
Enjeux liés aux plastiques
Les plastiques représentent en moyenne 13% de la composition d’un véhicule. Avec plus de 2,1 millions de véhicules mis sur le marché français en 2021, cela représente un gisement potentiel de 17 500 tonnes de plastiques en Pays de la Loire. La filière VHU doit donc relever le défi de mieux valoriser ces matériaux.
Lutte contre les filières illégales
Ampleur du phénomène
Il est estimé qu’un million de véhicules, au minimum, disparaissent chaque année en France, en raison de filières illégales de gestion des VHU. Ces véhicules sont souvent exportés ou traités dans des conditions préjudiciables pour l’environnement.
Rôle de la REP
La mise en place de la filière REP VHU vise à lutter plus efficacement contre ces pratiques illégales. L’obligation pour les détenteurs de remettre leurs véhicules aux centres agréés, ainsi que la responsabilité des constructeurs dans la collecte, doivent permettre de réduire les fuites vers des circuits parallèles.
Plan d’actions pour les territoires d’outre-mer
Problématique des véhicules abandonnés
Les collectivités d’outre-mer sont particulièrement touchées par le phénomène des véhicules abandonnés, qui constituent des dépôts sauvages nuisibles à l’environnement. Ce constat a conduit à la mise en place d’un plan d’actions spécifique.
Rôle des constructeurs automobiles
Dans le cadre de ce plan, les constructeurs automobiles se sont engagés à collecter et à traiter les véhicules abandonnés dans ces territoires. Depuis 2018, près de 39 000 véhicules ont ainsi été pris en charge, principalement en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion.
Économie circulaire et réutilisation des pièces
Réglementation sur les pièces de rechange issues de l’économie circulaire
Depuis 2017, les consommateurs doivent être informés de la possibilité d’utiliser des pièces de rechange issues de l’économie circulaire lors de l’entretien ou de la réparation de leur véhicule. Cette disposition vise à favoriser la réutilisation des pièces et à réduire l’impact environnemental du secteur automobile.
Objectifs de réutilisation des pièces
Dans le cadre de la filière REP VHU, des objectifs spécifiques de réutilisation des pièces ont été fixés. Ainsi, l’objectif est d’atteindre 8,5% de réutilisation des pièces en 2024, puis 10% en 2026 et 16% en 2028.
Perspectives et enjeux futurs
Réforme de la conception des véhicules
La Commission européenne a présenté en 2023 un projet de règlement visant à réformer le cadre relatif à la conception des véhicules et à la gestion de leur fin de vie. Cela devrait permettre d’améliorer l’écoconception et de renforcer la lutte contre les filières illégales.
Décarbonation du secteur automobile
Au-delà des enjeux de recyclage, la filière VHU s’inscrit dans une dynamique plus large de transition écologique du secteur automobile. La réduction de l’empreinte carbone, l’utilisation de matériaux biosourcés et le développement de nouvelles motorisations constituent des défis majeurs pour l’avenir.
La mise en place de la filière REP VHU marque une étape importante dans la transition vers une économie circulaire du secteur automobile en France. En fixant des objectifs ambitieux de recyclage et de valorisation, en responsabilisant les producteurs et en luttant contre les pratiques illégales, cette réforme ouvre la voie à une gestion plus durable des véhicules hors d’usage. Toutefois, de nombreux défis restent à relever, notamment en matière d’écoconception, de décarbonation et de valorisation des plastiques, pour faire du recyclage automobile un véritable levier de l’économie circulaire.